Auteur : Claire Moreau, David JACQUES
Indications
La mandibulectomie est indiquée en cas de tumeur maligne ou bénigne de la mâchoire inférieure. La localisation de la tumeur sur la mandibule détermine la partie à réséquer. Six types de mandibulectomies sont ainsi décrits : de l’hémimandibulectomie rostrale unilatérale à la mandibulectomie sub-totale.
La mandibulectomie est aussi décrite dans le traitement de certaines fractures et ostéomyélites mandibulaires. En effet, les fractures mandibulaires non réparables par première intention ou dont la stabilisation a échoué peuvent être traitées par mandibulectomie partielle.
Le cas décrit ici est un Labrador Retriever présentant une tumeur (M) de la mandibule droite (ostéosarcome). Elle s’étend de part et d’autre des molaires et prémolaires inférieures (PM3, PM4, M1, M2, M3).
MI : mâchoire inférieure
MS : mâchoire supérieure
CID : canine inférieure droite
PM3 : prémolaire 3
PM4 : prémolaire 4
M1 : molaire 1
M2 : molaire 2
M3 : molaire 3
M : masse
PM : palais mou
PD : palais dur
L : langue
Des radiographies sous anesthésie générale montrent une déformation (M) du corps de la mandibule droite avec des plages ostéoprolifératives et ostéolytiques ainsi qu’une réaction périostée (RP). S’agissant d’une tumeur agressive, une hémimandibulectomie totale est envisagée.
MD : mandibule droite
MG : mandibule gauche
M : masse
ADS : arcades dentaires supérieures
ADI : arcades dentaires inférieures
RP : réaction périostée
Technique chirurgicale :
L’animal est placé en décubitus latéral. Un pas d’âne permet de maintenir la cavité buccale ouverte.
La face latérale de la tête est tondue puis préparée chirurgicalement. La zone s’étend sur la face ventrale de la mâchoire inférieure (MI) et jusqu’en arrière du bord caudal de la branche montante de la mandibule. L’antisepsie de la partie orale est réalisée avec de la chlorhexidine diluée. Une ou deux compresses sont placées dans l’oro-pharynx autour de la sonde trachéale.
MS : mâchoire supérieure
MI : mâchoire inférieure
LS : lèvre supérieure
LI : lèvre inférieure
L : langue
CID : canine inférieure droite
CL : commissure labiale
La commissure labiale (CL) est incisée (ICL) dans toute son épaisseur jusqu’au niveau de la branche montante de la mandibule pour permettre un bon accès à l’articulation temporo-mandibulaire.
MS : machoire supérieure
MI : machoire inférieure
L : langue
CL : commissure labiale
LI : lèvre inférieure
LS : lèvre supérieure
MS : machoire supérieure
MI : machoire inférieure
L : langue
CID : canine inférieure droite
ACL : ancienne commissure labiale
LI : lèvre inférieure
LS : lèvre supérieure
ICL : incision de la commissure labiale
Les étapes qui vont suivre ont pour but de libérer la mandibule avant son exérèse.
Face orale, la muqueuse gingivale (MG) est incisée (IL) latéralement à l’arcade dentaire inférieure droite sur toute la longueur de la mandibule. Les tissus mous sous-jacents sont disséqués jusqu’au périoste de la mandibule (P). Cette incision se réalise en tissus sains à distance de la tumeur.
La muqueuse gingivale médiale à l’arcade dentaire inférieure droite est également incisée (IM) sur toute la longueur du corps de la mandibule. Les tissus mous médiaux et ventraux ( attaches musculaires des muscles génio-hyoïdien, mylo-hyoïdien, génio-glosse et hyo-glosse) sont désinsérés des faces médiale et ventrale du corps de la mandibule. Une fois, le corps de la mandibule complètement libéré des tissus mous environnants, la symphyse mandibulaire est sectionnée à l’aide d’une scie-fil (SF).
L : langue
CID : canine inférieure droite
M1 : molaire 1
LS : lèvre supérieure
ML : muqueuse labiale
MG : muqueuse gingivale
ICL : incision de la commissure labiale
P : périoste de la mandibule
ST : sonde trachéale
CID : canine inférieure droite
M1 : molaire 1
ML : muqueuse labiale
ICL : incision de la commissure labiale
IL : incision latérale à l’arcade dentaire inférieure droite
IM : incision médiale à l’arcade dentaire inférieure droite
P : périoste de la mandibule
SF : scie-fil
La dissection est ensuite poursuivie plus caudalement. Le muscle digastrique est désinséré du processus angulaire et de la moitié ventro-caudale de la mandibule (MD). La dissection médiale et caudale est facilitée par l’abduction du corps de la mandibule, abduction permise par la section de la symphyse mandibulaire. La réclinaison latérale de la mandibule permet d’identifier le foramen mandibulaire. L’artère et la veine mandibulaire (AVM) sont isolées, ligaturées puis sectionnées. Le nerf alvéolaire inférieur est aussi sectionné.
CID : canine inférieure droite
M1 : molaire 1
SM : symphyse mandibulaire
MD : mandibule droite
MG : mandibule gauche
M : masse
M2 : molaire 2
M3 : molaire 3
MD : mandibule droite
AVM : artère et veine mandibulaires, nerf alvéolaire inférieur
En face médiale de la mandibule, le tendon du muscle ptérygoïdien médial est sectionné au niveau de son attache dans la fosse ptérygoïdienne de la mandibule. En face latérale, la partie superficielle du muscle masséter est sectionnée. La partie profonde est désinsérée de la branche mandibulaire. Le muscle temporal est aussi désinséré du processus coronoïde de la mandibule.
La capsule de l’articulation temporo-mandibulaire est alors identifiée puis incisée. L’articulation est luxée. Il convient de prendre garde aux artère, veine et nerf mandibulaires ligaturés plus tôt. La mandibule est à ce stade libérée de toutes ses attaches ; elle est retirée.
La fermeture de la plaie orale (site d’exérèse de la mandibule) est effectuée après avoir contrôlé les saignements. Les tissus et muscles profonds sont apposés avec un surjet simple (S) (polyglactine 910, PDS déc.3, aiguille ronde) afin d’éviter tout espace mort.
MG : mandibule gauche
LID : lèvre inférieure droite
ML : muqueuse labiale
S : surjet simple du plan profond
ST : sonde trachéale
Ensuite, la muqueuse sub-linguale (MSL) est libérée puis suturée (S) à la muqueuse labiale (ML) (surjet simple, polyglactine 910, PDS déc. 3, aiguille ronde). En partie rostrale, les muqueuses sont apposées par des points simples (PS) (polyglactine 910, PDS déc. 3, aiguille ronde) afin de limiter les risques de déhiscence.
MG : mandibule gauche
LID : lèvre inférieure droite
ML : muqueuse labiale
MSL : muqueuse sub-linguale
L : langue
S : surjet simple du plan profond
PS : points simples
S : surjet simple
ST : sonde trachéale
Après une hémimandibulectomie, la commissure des lèvres (NCL) doit être avancée jusqu’au niveau de la deuxième prémolaire supérieure (PM2) afin de maintenir la langue en place. En effet, lorsque l’on ne réalise pas cette technique, la langue tombe du côté de la mandibulectomie et cela est assez inesthétique. Les lèvres inférieure et supérieure sont donc excisées (ELS) depuis la commissure des lèvres (ACL) jusqu’au niveau de la deuxième prémolaire supérieure (PM2).
LSD : lèvre supérieure droite
PM2 : prémolaire supérieure 2
ICL : incision de la commissure labiale
ELS : excision de la lèvre supérieure
ACL : ancienne commissure labiale
NCL : nouvelle commissure labiale
ST : sonde trachéale
LID : lèvre inférieure droite
L : langue
ICL : incision de la commissure labiale
ACL : ancienne commissure labiale
NCL : nouvelle commissure labiale
ST : sonde trachéale
La muqueuse orale et les tissus sous-cutanés sont apposés plan par plan par des surjets simples (S) (polyglactine 910, PDS déc. 3, aiguille ronde). La peau est suturée à l’aide d’un surjet simple de nylon (SC) (déc. 3, aiguille triangulaire). La nouvelle commissure labiale (NCL) est ainsi formée.
MI : mâchoire inférieure
ICL : incision de la commissure labiale
ACL : ancienne commissure labiale
NCL : nouvelle commissure labiale
S : surjet de la muqueuse labiale
SC : surjet cutané
NCL : nouvelle commissure labiale
Les compresses situées dans l’oropharynx sont enlevées et la cavité buccale est rincée.
La réalimentation avec des aliments humides s’effectue dès le lendemain de l’intervention. En cas d’anorexie, une sonde d’œsophagostomie peut être posée. L’hémimandibulectomie est une technique très bien supportée permettant une vie tout à fait satisfaisante.
Les complications comprennent un oedème de la face latérale de la tête dans les premiers jours. Celui-ci s’estompe généralement en 5 à 7 jours. Une ranula peut apparaître lors de traumatisme des conduits mandibulaire ou sub-lingual. Elle se résout spontanément dans la majorité des cas. Des déhiscences sont décrites au niveau de la partie rostrale de la plaie orale et de la commissure des lèvres. Enfin, des malocclusions sont décrites. Elles sont liées à la déviation de la mandibule restante vers le plan médian. La canine inférieure peut alors ulcérer le palais dur. Elle est raccourcie ou extraite en cas de persistance de l’ulcère.
D’un point de vue esthétique, la langue tombe légèrement du côté opéré (L). Une concavité apparaît du côté affecté et la mandibule contro-latérale a tendance à glisser vers le plan médian. L’animal s’habitue cependant rapidement à son nouveau mode de préhension.
Dans le cas étudié, l’analyse histologique de la masse a révélé un ostéosarcome.