Auteur : Dr Claire Moreau, Dr David JACQUES
Indications
Une maxillectomie est indiquée en présence d’une tumeur maligne ou bénigne localisée sur l’os maxillaire ou sur le palais dur, plus rarement lors de traumatisme important du maxillaire.
Les techniques d’exérèse classiquement décrites sont des approches intra-orales. Elles sont classiquement utilisées sur des tumeurs du maxillaire en avant de l’orbite. L’exérèse des tumeurs plus caudales ou plus dorsales est difficile par la voie intra-orale seule car l’accès est restreint. La technique présentée ici permet pour ces tumeurs d’améliorer l’exposition, la visualisation et de retirer la tumeur de manière plus large. Cette technique associe une approche intra-orale à une approche cutanée dorso-latérale.
Le cas développé ici est un Epagneul présentant une masse adhérente à l’os maxillaire droit (Max) et à l’os zygomatique apparue en quelques mois. Le Scanner a permis de délimiter cette masse (flèches vertes). Une maxillectomie, une orbitectomie ventrale et une zygomatectomie vont donc être effectuées.
M : masse
Flèches vertes : délimitation latérale de la masse
Max : os maxillaire
Md : os mandibulaire
Pd : palais dur
Technique
Il est recommandé de commencer par aborder l’artère carotide du côté correspondant à la masse afin de la ligaturer temporairement au moment de la réalisation des ostéotomies. Cela permettra de limiter les hémorragies profuses. L’animal est placé dans un premier temps en décubitus dorsal et la zone cervicale ventrale est tondue et préparée chirurgicalement.
Une incision cutanée d’environ 6 cm de long est effectuée dans le plan médian. Le tissu sous-cutané est disséqué pour faire apparaître les muscles sterno-hyoïdiens (MSH). Le fascia entre les deux muscles sterno-hyoïdiens (MSH) est disséqué afin d’exposer la trachée juste en dessous. Le muscle sterno-thyroïdien droit (MST) est récliné latéralement. L’artère carotide est repérée par palpation du pouls. Elle est séparée du tronc vago-sympathique et de la veine jugulaire interne.
Un drain de Penrose (Dp) est ensuite passé autour de l’artère carotide. Ce drain sera serré autour de l’artère pour l’occlure temporairement au moment voulu.
MSH : muscle sterno-hyoïdien
MST : muscle sterno-thyroïdien
Trachée : trachée
A.Carotide : artère carotide
Dp : drain de Penrose
Trachée : trachée
A.Carotide : artère carotide
Dp : drain de Penrose
L’animal est ensuite placé en décubitus latéral. Un pas d’âne permet de maintenir la cavité orale ouverte. La partie latérale de la tête est tondue et préparée chirurgicalement. L’œil est aussi inclus dans la zone stérile.
Paupière inf : paupière inférieure
M : masse
La cavité buccale est préparée chirurgicalement avec de la bétadine diluée ou de la chlorhexidine diluée.
Flèches vertes : délimitation orale de la masse
ASG : arcade dentaire supérieure gauche
ASD : arcade dentaire supérieure droite
L’incision cutanée dorsale (Inc1) débute cranialement, juste latéralement à la ligne médiane sur la cavité nasale, puis continue caudalement en passant ventralement à l’œil, en suivant l’arcade zygomatique.
Le tissu sous-cutané est incisé en suivant la même ligne afin de révéler l’os maxillaire (Max). Le muscle releveur naso-labial est récliné ventralement. Les rameaux de la veine faciale (veine nasale dorsale et veine nasale latérale) doivent être préservées. Seule la veine de l’angle de l’œil (Vae) est ligaturée.
Inc1 : incisions cutanée et sous-cutanée
Vae : veine de l’angle de l’œil
Max : os maxillaire
Une seconde incision (Inc2) est pratiquée dans la muqueuse buccale juste latéralement à l’arcade dentaire supérieure droite (ASD). Une dissection mousse des tissus sous-jacents permet d’accéder à l’os maxillaire. Le lambeau bipédiculé ainsi créé est libéré de l’os maxillaire grâce à un élévateur à périoste. Cette phase nécessite la section du nerf infra-orbitaire et la ligature des vaisseaux associés.
Le lambeau bipédiculé (L) est composé de peau, de muqueuse labiale (ML) et des muscles de la babine.
nc2 : incision orale
ASD : arcade dentaire supérieure droite
Max : os maxillaire
JCM : jonction cutanéo-muqueuse
ML : muqueuse labiale
Pd : palais dur
Flèches vertes : délimitation orale de la masse
Inc1 : incision dorso-latérale
Inc2 : incision orale
L : lambeau bipédiculé
Max : os maxillaire
La rétraction du lambeau permet la visualisation de toute la face latérale de l’os maxillaire (Max). Les sites d’ostéotomie rostral, dorsal et caudal peuvent être marqués sur l’os avec un bistouri électrique. La face ventrale du globe oculaire est séparée de l’orbite par dissection mousse, en laissant intact le sac conjonctival. Un écarteur de Hohman est positionné pour protéger le globe oculaire lors de l’orbitectomie. Le muscle masséter (Mass) est séparé de la face ventrale de l’arcade zygomatique (Zyg).
La première ostéotomie concerne l’arcade zygomatique (ostéotomie caudale). Elle est effectuée à la scie oscillante, après protection des tissus environnants.
Inc1 : incision dorso-latérale
L : lambeau bipédiculé
Max : os maxillaire
Nas : os nasal
Zyg : arcade zygomatique
O : orbite
Vae : veine de l’angle de l’oeil ligaturée
Inc1 : incision dorso-latérale
L : lambeau bipédiculé
Max : os maxillaire
Nas : os nasal
Mass : muscle masséter
Vae : veine de l’angle de l’oeil ligaturée
ZygS : arcade zygomatique sectionnée
O : orbite
Face orale, une incision est pratiquée à travers la muqueuse et le périoste du palais dur (Pd) médialement à la masse tumorale. La muqueuse palatine est séparée du palais dur sous jacent.
À partir de ce temps, le drain de Penrose est resserré autour de l’artère carotide.
Les ostéotomies craniale, dorsale et caudale du maxillaire sont réalisées à la scie oscillante. Il en est de même pour les ostéotomies médiane, crâniale et caudale du palais dur. Elles doivent rejoindre les ostéotomies maxillaires dorsales. L’orbitectomie partielle est réalisée en angulant la scie de l’orbite vers la face médiale de la dernière molaire. Le globe oculaire est protégé avec un petit rétracteur.
L’os à réséquer peut alors être retiré.
Inc1 : incision dorso-latérale
L : lambeau bipédiculé
Zyg : arcade zygomatique
Nas : os nasal
Mass : muscle masséter
CN : cavité nasale
nc2 : incision orale
L : lambeau bipédiculé
CN : cavité nasale
ML : muqueuse labiale
Pd : palais dur
Le drain de Penrose autour de l’artère carotide est desserré en contrôlant les éventuels saignements. Les muscles sterno-hyoïdiens sont apposés par un surjet simple (fil résorbable tressé déc.3, polyglactine 910, aiguille triangulaire). L’incision est ensuite classiquement refermée (surjets sous-cutané et cutané).
Au niveau de l’incision dorso-latérale, le muscle masséter est apposé au tissu fibreux ventral au globe oculaire. Le tissu sous-cutané est ensuite apposé par un surjet simple (fil résorbable monofilament déc.3, polyglactine 910, aiguille triangulaire). Un surjet simple cutané (fil non résorbable monofilament déc.3, nylon, aiguille triangulaire) est enfin effectué.
Dans la cavité orale, la couche épaisse fibro-vasculaire de la lèvre peut être suturée à la sous-muqueuse du palais dur avec des points simples (fil résorbable monofilament déc.3, polydioxanone, aiguille ronde). Dans le cas présent, et lorsque des tensions existent, des trous sont réalisés dans l’os palatin (Pal) afin d’y ancrer les sutures. Des points simples (PS) passant par la couche fibro-vasculaire labiale et ces trous sont ensuite mis en place.
JCM : jonction cutanéo-muqueuse
ML : muqueuse labiale
Inc2 : incision orale
CN : cavité nasale
Pd : palais dur
Pal : os palatin
Trous : trous effectués dans l’os palatin
PS : point simple avant serrage
Les muqueuses labiale et palatine sont suturées l’une à l’autre par des points en « X » (fil résorbable monofilament déc.3, polydioxanone, aiguille ronde).
L’espace mort entre la cavité orale et l’incision nasale latérale n’a pas besoin d’être réduit ou drainé car le site chirurgical s’ouvre dans la cavité nasale. Le drainage s’effectue à travers l’orifice nasal.
JCM : jonction cutanéo-muqueuse
ML : muqueuse labiale
Pd : palais dur
Sut : sutures
JCM : jonction cutanéo-muqueuse
ML : muqueuse labiale
Pd : palais dur
Sut : sutures
Une sonde d’oesophagostomie est fréquemment posée. Elle permet de réalimenter rapidement l’animal et de laisser la muqueuse buccale cicatriser sans sollicitations pendant quelques jours.
De grandes quantités de mucus sanguinolent sont rejetées en post-opératoire immédiat par les narines, nécessitant des lavages fréquents. Cependant, ces saignements stoppent dans les 24 heures. La peau en regard du site chirurgical peut osciller en fonction de la respiration en post-opératoire immédiat, sans entraîner effets secondaires.
La principale complication rencontrée est la formation d’une fistule oro-nasale.
SO : sonde d’oesophagostomie
Inc3 : incision pour la ligature temporaire de l’artère carotide